Contre un affaiblissement de l'EPS à l'Ecole !

Contre un affaiblissement de l'EPS à l'Ecole !

Lancée le
13 mai 2020
Adressée à
Enseignants d'EPS et
Signatures : 20 779Prochain objectif : 25 000
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Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par G. Dietsch, S. Durali, L. Le Meur, H. Rolan, T. Choffin

Le « sport » ou « l’EPS » à l’Ecole : partenariats versus discours ambigus et instrumentalisation politique

La crainte d’une instrumentalisation politique se comprend d’autant mieux lorsque l’on analyse de plus près les différents discours et propositions politiques : les confusions sont nombreuses et ont de quoi semer le doute. Le dernier rapport de la Cour des comptes cité plus haut, était déjà un rapport assez caricatural sur l’image de l’EPS et de son enseignement, questionnant l’utilité sociale de la discipline, voire son efficacité. L’expérimentation « Cours le matin / Sport l’après-midi » ou encore la référence systématique au « modèle allemand » par le Ministre de l’Education Nationale ou certains parlementaires, ont de quoi inquiéter. En effet, faut-il (encore) rappeler que ce modèle né dans les années 1950 pour des raisons davantage socio-économiques que « chrono-pédagogiques », est aujourd’hui largement remis en cause, voire abandonné dans de nombreux « Länder ». Ensuite, la participation à ces activités est la plupart du temps facultative et parfois payante. Difficile donc de croire que ces propositions seraient au bénéfice de celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Plus inquiétant encore, ce choix politique se retrouve en partie dans un texte co-signé par le Ministère des Sports, le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et le Ministère de l’Education Nationale, concernant le « Protocole relatif au dispositif d’appui à la reprise scolaire « Sport, santé, culture, civisme » (2S2C) en sortie de confinement à destination des fédérations et des clubs sportifs » datant du 8 mai 2020. Il est notamment précisé que l’objectif du dispositif 2S2C dans le champ sportif est « d’assurer localement l’accueil des élèves sur le temps scolaire par d’autres intervenants que leurs professeurs en proposant d’encadrer une activité physique et sportive ». Même s’il est rappelé qu’il est important de bien différencier EPS et Sport, le doute persiste à bien des égards et ce, tout au long de ce texte. En effet, dans cette logique de partenariat entre l’école et le mouvement sportif, les « fédérations sportives agréées sont invitées à relayer à leurs clubs les coordonnées des référents départementaux, membres des GAD (Groupes d’Appui Départemental) qui se trouvent annexées au présent protocole. Leurs offres d’activités pourront ainsi être utilement transmises ». On voit très clairement ici que les clubs sont invités à s’emparer rapidement du dispositif, et ce, au détriment de l’EPS ? Cette question mérite d’être posée.

En effet, un regard historique sur l’EPS, nous amène assez logiquement à faire le parallèle avec la création des Centres d’Animation Sportive (CAS) datant de 1972. Ces CAS avaient pour but d’installer le « sport optionnel » et étaient destinés à accueillir les élèves volontaires du secondaire en dehors du temps scolaire. Ce dispositif avait pour objectif notamment de créer des structures « extra-scolaires » autour d’un équipement sportif sous la responsabilité d’un professeur d’EPS qui avait un rôle de coordination en gérant une équipe d’animateurs sportifs.

Ce discours ambigu se retrouve aussi dans le déploiement à grande échelle du « Label JO Paris 2024 ». Le protocole 2S2C précise de la même manière, qu’il convient de « consolider et d’amplifier les liens entre l’école et les clubs sportifs fédérés à plus long terme, conformément à l’objectif affiché par le mouvement sportif, Paris 2024 et l’Etat dans le cadre du plan « Héritage » des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ».

L’interrogation des acteurs de l’EPS est claire : d’un côté, un corps d’enseignants d’EPS recrutés à Bac +5, formés pour l’intervention et l’enseignement en milieu scolaire pour tous les élèves, ayant le souci de l’égalité, de l’éducation, quel que soit le niveau de pratique physique des élèves, polyvalent sur plusieurs sports dont des activités à risque (escalade, savoir-nager, etc.) et de l’autre, un corps d’éducateurs sportifs, recrutés au niveau Bac, la plupart du temps spécialisé dans un sport donc monovalent, et dont la formation et le niveau scolaire initial ne les préparent pas à l’intervention en milieu scolaire. Peut-on décemment mettre en balance les deux sur le plan de la qualification et de la responsabilité ? Aussi, sommes-nous étonnés de cette réforme imposée sans justification valable, sans sollicitation des acteurs de l’EPS.

Ces dispositifs, ces discours ambivalents et ce, même au plus haut niveau de l’Inspection Générale maintenant fusionnée (Education, Sport et Recherche), la double valence et/ou fonction de certains cadres, tiraillés entre le milieu fédéral et scolaire, participent certainement à cette confusion. Dès lors, concernant les prérogatives et enjeux de chacun, la frontière EPS et Sport s’en trouve réduite.

Dans le contexte actuel, les partenariats entre l’EPS, l’UNSS et le mouvement sportif sont salutaires. Il est évident qu’au regard des contraintes sanitaires, des protocoles stricts à mettre en place, notamment en primaire, l’entraide de tous peut être bénéfique.

Pour autant, il est important de rappeler que les finalités de l’EPS sont bien différentes de celles du milieu fédéral. Les différents textes et rapports rappelés ci-dessus ont donc de quoi interpeler et accentuent ce sentiment de défiance de la profession.

La place de l’EPS à l’Ecole, au primaire et dans le secondaire : intérêts et points de vigilance pour la profession

A travers ces différentes propositions, nous voyons aussi un intérêt : renforcer la place de l’EPS à l’école primaire. Mais quel message envoyons-nous à nos collègues professeurs des écoles ? Personne ne semble s’en soucier. Plus concrètement, envisager une véritable liaison primaire et secondaire en EPS, c’est proposer une EPS de qualité aux élèves. Toutefois, c’est aussi courir le risque de stigmatiser (encore plus) les professeurs des écoles sur leur supposé manque de compétences en la matière.

Dès lors, il serait intéressant d’intégrer massivement les enseignants d’EPS en primaire et créer une liaison au sein du cycle 3 d’apprentissage du socle commun. Pourquoi cette réflexion ne concernerait pas alors l’ensemble des disciplines ? Pourquoi ne pas renforcer en premier lieu la formation des professeurs des écoles ? Pourquoi ne pas réinstaurer une épreuve obligatoire d’EPS au concours du CRPE ? Certes, cela nécessiterait des moyens plus conséquents, mais nous serions en mesure de proposer une EPS de qualité à tous les niveaux de la scolarité.

En outre, l’idée de partenariat évoquée dans le texte relatif au dispositif 2S2C n’est pas remise en question car elle permet de renforcer les liens entre les différents acteurs et questionner à nouveau la complémentarité EPS/AS à l’école primaire mais aussi au collège et au lycée. Pour autant, ce texte demeure très flou sur le statut et le forfait UNSS de 3h intégré au service des enseignants d’EPS. De même l’idée de « complémentarité » de l’offre sportive n’est pas très claire. Encore une fois, l’histoire semble se répéter.

L’EPS « demain » : protocole sanitaire, moyens alloués et dogme du sport-santé

Dans les mois à venir, l’EPS à distance ne permettra pas forcément d’atteindre tous les objectifs et les compétences fixés habituellement. Il est donc évident que, pour un temps (que nous espérons tous le plus court possible), il s’agira de repenser l’enseignement de l’EPS à l’école. L’enseignement à distance ne sera jamais l’avenir de l’école. Au regard des protocoles sanitaires exigeants mais nécessaires, le choix d’activités s’avère problématique. Ce contexte met aussi en évidence plus largement la pénurie d’installations sportives, ou encore le manque de moyens matériels pour les enseignants. La réalité est criante à ce sujet. Difficile donc de dire quelle sera l’EPS « demain ».

En tout état de cause, il nous a semblé important d’alerter l’ensemble de la profession et de l’inciter à se saisir des enjeux actuels, avant que le mouvement sportif le fasse à notre place dans le cadre scolaire. Le dogme du sport-santé est plus qu’un slogan, c’est aussi un marché économique non négligeable pour beaucoup. Ces mêmes enjeux se jouent actuellement dans les formations STAPS. En effet, la diversification des mentions et les choix politiques autour du sport/santé, amènent progressivement la mention « Education et Motricité » (EPS) à s’affaiblir et à se fragiliser. Force est de constater que l’EPS est absente des grandes politiques publiques de santé, c’est une question qu’il conviendra d’élucider alors que les enseignants d’EPS s’adressent à toute la jeunesse française.

Il y a donc fort à parier que de nouveaux acteurs du sport vont s’empresser de répondre aux appels du pied de notre Ministre et de certains cadres de l’Education Nationale. Si l’EPS n’est pas que le sport santé, elle est d’abord une discipline d’enseignement au service d’une éducation émancipatrice pour nos élèves d’un point de vue culturel et moteur.

De par leurs formations et leurs polyvalences, les enseignants d’EPS permettent la diffusion d’une culture sportive éclectique à des publics qui n’y aurait jamais eu accès (escalade, natation, arts du cirque, etc.) et de répondre ainsi à l’objectif d’ « égalité » républicaine. Ils donnent accès à ces activités sportives à des publics à besoins éducatifs particuliers (élèves en surpoids, en situation de handicap, etc.). Ils contribuent de manière reconnue, de par leurs formations, dans toutes les écoles, notamment dans les quartiers difficiles, à construire sociabilité et civisme, indispensable à la pacification et à la concorde civile. Enfin, ils inscrivent les pratiques sportives dans une logique d’accomplissement personnel et de progrès physique comme l’atteste la vitalité des fédérations scolaires du primaire et du secondaire (USEP et UNSS).

Aussi, cette réforme annoncée, dans un contexte sanitaire exceptionnel, apparaît alors comme une régression scolaire tant culturelle que sociale qui aura un impact délétère sur les établissements scolaires et sur les élèves eux-mêmes. Les « enfants de la République » méritent un enseignement physique délivré par des personnels formés et polyvalents dans un souci d’éducation, de culture et de justice sociale. Nous y veillerons et espérons la mobilisation de tous !

Si vous souhaitez apporter votre soutien à ce texte, nous vous invitons à signer la pétition "Contre un affaiblissement de l’EPS à l’Ecole".

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