Faut-il encore soutenir Uber ?

Faut-il encore soutenir Uber ?

Lancée le
22 octobre 2020
Adressée à
Signatures : 1 112Prochain objectif : 1 500
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Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par Jérôme GIUSTI

Madame la Ministre Elisabeth Borne, 

Dans un article paru dans Le Parisien, la rumeur qui circulait depuis quelques jours se confirme : vous entendez publier cette semaine un décret relançant le sujet de la « charte de responsabilité sociale » pour les travailleurs de plateformes numériques, au motif qu’il s’agirait d’inciter d’urgence les acteurs concernés à engager un dialogue social.

Cette initiative coupe l’herbe sous le pied de la mission Frouin, justement installée par votre gouvernement, il y a plusieurs mois, pour réfléchir aux modalités d’un dialogue social entre plateformes et représentants de chauffeurs et livreurs.

La volonté du gouvernement serait-elle ainsi d’empêcher aujourd'hui ce qu’il a lui-même voulu entreprendre hier ? 

Même s’il ne s’agit plus de priver les travailleurs de plateforme de leur droit fondamental à saisir le juge pour demander que soit reconnue leur condition de travailleur salarié, s’ils l’estiment ainsi fondé – ce qu’interdisait hier la charte, il s’agit encore aujourd’hui de les priver de leur droit fondamental à discuter, d’égal à égal, de leurs conditions de travail car d’après ce que l’on sait, cette charte restera toujours à l’initiative des plateformes qui auront ainsi le pouvoir d’organiser les éléments du débat et les négociations comme elles souhaitent, chacune pour elles-mêmes et de leur côté, selon leurs propres considérations de marché, sans en passer par une discussion collective sectorielle ou élargie.

Seriez-vous le dernier gouvernement à soutenir Uber ? Nous ne voulons pas le croire. 

C'est pourquoi, nous vous demandons de revenir sur votre volonté de prendre ce décret. 

Respectueusement,

Brahim Ben Ali, secrétaire général de l'INV

Olivier Jacquin, sénateur de Meurthe-et-Moselle

Stéphane Vernac, professeur de droit

Jérôme Giusti, avocat au barreau de Paris

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Petit rappel des épisodes précédents à l'usage des signataires de la pétition : dans la loi d’orientation sur les mobilités (LOM), le gouvernement a déjà essayé d’imposer l’idée d’une « charte de responsabilité sociale » qui aurait fixé de manière unilatérale, à l’initiative des plateformes, le cadre des conditions de travail entre les plateformes numériques et leurs travailleurs, en dehors du Code du travail.

Cette initiative qui reprenait une idée émise en 2018 par le député Aurélien Taché avait notamment pour but d'empêcher le juge, en contrepartie de cette charte, de requalifier la relation de travail en contrat salarié.

Elle a fait l’objet de nombreuses oppositions parlementaires lors des débats de la loi LOM en 2019 et le Conseil Constitutionnel en a d’ailleurs censuré la portée dans une décision du 24 décembre 2019.

Peu de temps après, le gouvernement a décidé de nommer une commission présidée par Jean-Yves Frouin, ancien magistrat de la Cour de Cassation, pour faire des propositions sur la représentativité des travailleurs de plateformes. Cette mission a auditionné beaucoup de monde en quelques mois et ses conclusions sont attendues pour fin octobre. 

Le 4 mars 2020, la Cour de Cassation a requalifié un chauffeur Uber en contrat salarié, ouvrant la voie à de nombreuses procédures de requalification actuellement en cours. Le gouvernement a alors décidé d’élargir la mission Frouin à la question plus globale du statut des travailleurs de plateformes numériques.

En parallèle, la crise sanitaire et les répercussions économiques sur l’activité des chauffeurs ont plongé de nombreuses familles dans la grande difficulté, sans qu'Uber n'apporte d'améliorations à leur situation. 

Uber a depuis fait l'objet de deux plaintes collectives devant la CNIL, pour non respect du RGPD, initiée par La Ligue des droits de l'Homme et du Citoyen, représentant une centaine de chauffeurs. A ce jour, l'ensemble des autorités de contrôle européennes se sont saisies de cette plainte. C'est la première fois qu'une plateforme fait ainsi l'objet d'une instruction au même moment par tous les pays de l'Union européenne sur le fondement du droit des données à caractère personnel. 

Aujourd’hui, en annonçant la parution de ce décret, avant même que la commission Frouin rende ses conclusions, le gouvernement ferait la preuve de sa volonté manifeste de sauver par tous les moyens l'économie injuste des plateformes au mépris du droit et de la justice sociale.

La parution du décret relatif à une « charte de responsabilité sociale » serait plus particulièrement la preuve que : 

1/ Ce gouvernement est sous influence. Pour obtenir la parution de ce décret, les plateformes numériques ont nécessairement exercé une pression et ont fait preuve à nouveau de toutes leurs capacités de lobbying. Elles seules ont été entendues. Les chauffeurs ne le sont toujours pas. La rédaction de ce décret se ferait en catimini et le gouvernement n’attendrait même pas les conclusions de la commission qu’il a lui-même mise en place.

2/ Ce gouvernement ne respecte pas le processus démocratique. Pour aboutir à la parution de ce décret, il a fallu d’abord dessaisir le Parlement et avoir recours à la procédure d’habilitation qui autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance. Même s'il ne pourra plus empêcher que les travailleurs de plateformes saisissent les Conseils de Prud'hommes, ce décret permettra, pour les plateformes, de tirer avantage d'une situation se voulant prétendument acquise et qui démontrerait que les chauffeurs sont socialement protégés. La parution de ce décret reviendrait ainsi à contourner les décisions du Conseil constitutionnel qui a censuré par deux fois les « chartes de responsabilité sociale » en 2018 et 2019. Cela reviendrait enfin à contourner l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation, plus haute juridiction sociale de ce pays, qui a requalifié en contrat salarié un chauffeur Uber le 4 mars 2020. 

3/ Ce gouvernement est le plus libéral du monde. Alors même que la Californie, Etat technophile par excellence où se trouve le siège d’Uber, a légiféré l’an dernier pour requalifier les chauffeurs Uber en contrat salarié et qu’un référendum est organisé le mois prochain pour soumettre les plateformes numériques à l’application de cette loi qu’elles contestent. Alors même que des dizaines de pays du monde ont adopté des législations de protection des chauffeurs ou  des jurisprudences de requalification, la France serait ainsi le dernier pays à défendre encore Uber.

4/ Ce gouvernement ne répond pas à l’urgence de la situation et aux difficultés des chauffeurs. Déjà remis en cause par le droit, le modèle de l’uberisation montre, à la faveur de la crise actuelle, toute son injustice. Supposés indépendants, les travailleurs de plateformes sont en réalité les victimes d’un système qui vise à les soumettre à la volonté d’algorithmes, à verser des commissions exorbitantes aux plateformes et maintenant à devoir respecter, avec de possibles chartes, des conditions de travail unilatéralement imposées par les plateformes. 

Signez cette pétition. Elle ne concerne pas que les chauffeurs. Elle concerne tout le monde. Si nous ne restons pas vigilants, ensemble, beaucoup d'entre nous pourront subir un jour le triste sort d'être "ubérisés". 

 

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