Des amendements outranciers, des étudiants excédés !

Des amendements outranciers, des étudiants excédés !

Lancée le
12 mars 2019
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Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par ANEMF (Association Nationale des Étudiants en Médecine de France)

Des amendements outranciers, des étudiants excédés

Paris, le 12 mars 2019

Depuis plusieurs années, la liberté d’installation est remise en question par des députés de tout bord (PS, LR, FN puis RN, LFI, LREM) : des amendements sont déposés pour forcer les jeunes médecins à s’installer dans certaines zones appelées communément les déserts médicaux.

Le vote du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, comprenant l’étude à l’Assemblée Nationale et commençant aujourd’hui, est l’occasion pour certains députés de déposer des amendements restreignant voir supprimant la liberté d'installation des jeunes et futurs médecins. Certains des exposés des motifs de ces amendements véhiculent des idées outrageuses, fausses et inacceptables pour les futurs médecins.

Si ce sont les extraits de l’amendement N°AS1209 déposé le 8 mars 2019 par des députés de La France Insoumise qui ont mis le feu aux poudres,  les amendements prônant la coercition sont nombreux et séduisent des députés de tout bord. L’amendement en question a été retiré devant le tollé suscité, avec comme raison avancée, que les députés ne “les [le.s amendement.s] avaient pas lu” (sic). Ce sont malheureusement des propos que nous entendons bien trop souvent dans l’hémicycle quand la question de l’accès aux soins est étudiée.

Face à autant d’ignorance des réalités du système de santé français, et autant d'ingratitude de la part de ces députés pour les professionnels et futurs professionnels que sont les jeunes et futurs médecins, les étudiants sont excédés.

Excédés de retrouver ces mêmes propos régulièrement, qui ne reposent sur aucun chiffre, sur aucune analyse et dont la seule motivation n’est  que clientéliste.

Nombreux sont les rapports des institutions gouvernementales ou indépendantes, les benchmarks, les analyses de la démographie médicale qui réfutent leurs affirmations. Ces documents ont-il seulement été lus ?

Excédés de voir ces députés faire reposer l’entière responsabilité de décennies de manque d’anticipation, d’investissements économiques et humains dans le système de santé sur les épaules de la liberté d’installation et des jeunes médecins.

Entre 1971 et 1997, le numerus clausus avait été divisé par deux et jusqu’à très récemment, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) encourageait les départs précoces à la retraite des médecins. Il y avait trop de médecins selon une idée absurde, postulant que le nombre de médecin (l’offre) entraînait une hausse des consultations et donc des dépenses (la demande) sans aucune considération pour des besoins de santé en augmentation, de par la modification profonde de notre système de santé (perfectionnement des techniques, allongement de la vie, hausse des maladies chroniques et des cancers). Si le numerus clausus a été depuis doublé (plus de 8000 en 2018), le temps de formation des médecins, additionné à leur temps avant l’installation, couplés à un départ à la retraite massif, font que nous sommes actuellement dans le creux de la vague en terme de démographie médicale selon les projections de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES, rattachée au Ministère de la Santé et des Solidarités) : les pires années sont devant nous avant une remontée à partir de 2025 !
Les problèmes actuels découlent directement de politiques de santé irréfléchies !

Excédés d’entendre dire que les médecins sont mal répartis et s’installent tous sur la côte d’Azur et dans la capitale plutôt que dans la ruralité.

Excédés d’entendre dire que si leur installation était régulée comme celle de des pharmaciens, il n’y aurait plus de problèmes d'accès aux soins

Or, selon les études de la DREES, en 2017, 84 % de la population réside dans une commune où exerce un médecin généraliste et 98 % de la population accède à un médecin généraliste en moins de 10 minutes ; seul 0,1 % de la population (57 000 personnes environ) doit faire 20 minutes ou plus pour accéder à un généraliste.
Ces disparités sont comparables à celles observées pour les pharmacies, dont l’installation est pourtant régulée.

Excédés de voir proposer des mesures coercitives comme la “solution miracle” qui résoudra tous les problèmes d’accès aux soins et d’attractivité des territoires.

Dans une comparaison internationale des différentes mesures coercitives dans des systèmes de santé équivalents, l’Inter-Syndicale Nationale des Internes (ISNI) montre que dans plusieurs pays européens (Autriche, Italie, Allemagne) et extra-européens (Japon, EU, GB), les mesures désincitatives voires coercitives n’ont pas eu d’impact à long terme sur l’installation des médecins dans les zones sous-dotées.

Excédés de ces propositions dévalorisant la médecine libérale et constituant un véritable danger pour l’accès aux soins pour toute la population.

Dévaloriser l’exercice libéral qui patît déjà d’une méconnaissance de ses particularités  et de ses richesses chez les étudiants, c’est les orienter vers le salariat, les hôpitaux (privés plus que publics) d’une part et les pousser vers le déconventionnement ou l’étranger d’autre part. Le refus de cette médecine libérale par une partie des jeunes diplômés sera grandement délétère pour la démographie médicale de notre pays à l’heure des départs à la retraite massifs !

Le conventionnement sélectif, pour ne parler que de lui, remet en cause jusqu’au principe même de solidarité nationale. Il engage les patients dans des parcours de soin toujours plus complexes, et aura pour effet de transformer un peu plus les patients en part de marché pour les organismes de complémentaire santé. De fait, empêcher un praticien de se conventionner, c’est l’exclure du système de soins remboursé par l’Assurance Maladie et à terme c’est augmenter les inégalités d’accès économique aux soins des patients qui devront payer à prix fort des assurances individuelles.

Excédés d’entendre que tout a déjà été essayé, que les mesures incitatives ne fonctionnent pas (sans preuve méthodologiquement fiable) et que la coercition est l’ultime solution.

Les différentes mesures mises en place (CESP, aides à l’installation, accompagnement à l’installation) n’ont que quelques années à peine et aucune étude sérieuse n’a encore été réalisée sur les bienfaits synergiques de ces mesures. Ces mesures ne sont bien sûr pas parfaites et  doivent encore être améliorées (manque d’accompagnement, manque d’information, manque de coordination entre les acteurs), nous en sommes conscients. De plus, ces mesures sont mises en place dans un contexte de baisse démographique intense, ce qui explique en partie que leurs effets soient en partie “gommés” par le départ à la retraite des médecins plus âgés. Contrairement à ce que l’on peut entendre, ce n’est pas l'argent qui attire les étudiants : celui-ci n’arrivant que loin derrière la possibilité d’obtenir un travail pour le partenaire, un lieu d’éducation pour les enfants ou l’accès à des infrastructures culturelles et techniques (musées, cinéma, internet haut débit) dans le choix de zone d’installation des médecins libéraux. Il faut donc revoir le contenu de ces mesures incitatives et développer une véritable politique d'attractivité des territoires.

Excédés de se faire accuser de privilégiés, d’ingrats, de corporatistes qui devraient rendre à l’état leurs études financées par la collectivité.

C’est nier les chiffres de l’enquête sur le bien-être réalisée en 2017 avec 66% d’étudiants dans un état anxieux, 27% dans un état dépressif et 23% ayant eu des idées suicidaires, soit 2 à 3 fois plus que la population générale pour chaque chiffre.

C’est nier les salaires dérisoires entre 0,80€/h à bac+4 et 6,59€/h à bac+8 pour un travail de soignant, sans respect pour le code du travail ou leur santé. C’est nier les semaines de 80h, les burn-out, les gardes sans repos ou les suicides.

C’est nier le caractère destructeur et précarisant des études de médecine que nous tentons de réformer malgré les volontés conservatrices et résistantes au changement des acteurs de notre formation.

C’est nier les propositions et les aspirations des jeunes et futurs médecins pour un système de santé humain pour les patients comme les professionnels.

La médiocrité assumée par certains élus de la nation sur ce sujet n’a que trop duré. Elle témoigne, au mieux d’une absence totale de connaissances sur le système de santé français, et au pire d’un manque de respect profond pour les milliers de jeunes et futurs médecins de ce pays.

L’ANEMF qui défend depuis toujours une organisation sanitaire et sociale qui rapprochent les individus ne saurait le tolérer. La persistance, législature après législature, d’un mépris systémique de la part de certains de nos députés montre la place que donne notre société à ceux qui travaillent toujours plus, et se plaignent toujours moins.

Si cette pétition ne devait avoir qu’un but, ce serait celui d’y mettre fin.

L’ANEMF, les étudiants qu’elle représente et les signataires de cette tribune réaffirment leur vocation : un soin universel, humain, équitable, solidaire et durable.

Clara Bonnavion
Présidente de l’Association Nationale des Étudiants en Médecine de France
presidence@anemf.org

Soutenu par :
- l'ISNAR-IMG – InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale
- l'ISNI – InterSyndicale Nationale des Internes

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