Ils étaient des soldats de France, il sont aujourd'hui "les Oubliés de la Nation"

Ils étaient des soldats de France, il sont aujourd'hui "les Oubliés de la Nation"

Lancée le
10 juin 2018
Adressée à
Monsieur le Président de la République et Monsieur le Minsitre des Armées
Signatures : 146 569Prochain objectif : 150 000
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Pourquoi cette pétition est importante

Nous demandons votre soutien afin que la mention "Mort pour le service de la Nation" soit attribuée à tous les militaires dépendant du Ministère des Armées qui décèdent accidentellement en service commandé sur le territoire national ou à l'étranger hors OPEX et que leurs enfants bénéficient du statut des "Pupilles de la Nation".

Mise à jour octobre 2022

Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République
55, rue du Faubourg Saint Honoré
75008 Paris

Cagnes-sur-Mer le 10 octobre 2022

Objet : La reconnaissance des militaires décédés en service sur le territoire national avec la mention « Mort pour le service de la Nation »

Monsieur le président de la République,

L’association des « Oubliés de la Nation » se bat depuis 2017 pour rétablir l’honneur de plus de 130 militaires décédés par accident en service sur le territoire national que l’administration a décidé de passer par « pertes et profits », et les droits de leurs conjoints et enfants avec la reconnaissance de la mention « Mort pour le service de la Nation ».

Nous rappelons qu’en 2012, cette mention a été créée à l’initiative de Monsieur Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, pour compléter la célèbre et précieuse mention historique « Mort pour la France » remontant à la Première guerre mondiale, de manière à adapter - enfin - les outils administratifs de la politique de reconnaissance de l’Etat aux conditions de l’exercice contemporain du métier des armes avec une date de rétroactivité arrêtée au 1er janvier 2002 et son article premier qui confirmait l’attribution aux militaires « tués en service » ou « en raison de sa qualité de militaire » .

De fait nos « Oubliés de la Nation » présentaient tous les critères de l’attribution à cette mention.

Par ailleurs, nous précisons qu’à partir de 2015, certains militaires décédés dans les mêmes conditions ont été reconnus par la volonté discrétionnaire de ce même Ministre de la Défense. Cette validation n’est pas pour autant la panacée car certaines décisions nous ont surpris comme par exemple en 2016, où 6 légionnaires ont perdu la vie lors d’une avalanche à l’entraînement, un seul a été reconnu.
Mais, à partir de mars 2016, nos militaires ont fait les frais d’une « inflexion » administrative sur l’interprétation des critères d’attribution de cette mention.
En effet, dans le décret n°2016-331 (du 21 mars 2016) destiné à encadrer l’application de la loi de 2012, il fallait désormais que le décès soit provoqué par un « tiers volontaire » ou au motif de « circonstances exceptionnelles ».

Toutes les demandes faîtes par les familles ne résultant pas d’un décès par un tiers volontaire ont été rejetées, et quand les familles ont voulu s’appuyer sur « les circonstances exceptionnelles », l’administration de Madame Florence Parly a objecté en présentant des arguments insidieux :

● en 2017 par : « il n’y a pas de raison particulière pour recevoir cette appellation lorsque les circonstances du décès sont des circonstances d’entraînement sur le sol français. » ;

● en 2019 par : « concernant les circonstances exceptionnelles, elles s'apprécient par les juges comme des situations présentant les caractères suivants : gravité particulière ou anormalité (guerres, émeutes, cataclysmes naturels), imprévisibilité, irrésistibilité, tant dans leur survenance que dans leurs effets insurmontables qui s'assimilent à des cas de force majeure ».

Vous l’avez bien compris, Monsieur le président, l’effet produit par ce changement de doctrine fut désastreux pour les 130 familles de militaires, et ce chiffre est sans doute sous estimé.

Par ailleurs, nous précisons que cette inflexibilité du Ministère des Armées n’a pas été partagée par le Ministère de l’intérieur qui attribue le 4 octobre 2021 la mention « Mort pour le service de la Nation » au Capitaine de Police Lafroy de Croutte décédé à l’entraînement lors d’un accident d’hélicoptère en Savoie alors que les 5 militaires de l’ALAT du Cannet des Maures décédés en 2018 dans les mêmes conditions n’ont jamais été reconnus.

C’était comme si, tout à coup, on sous-entendait que la rectification du sort d’une grosse centaine de dossiers passait par « pertes et profits » dans les comptes de l’administration, pourrait fragiliser tout l’édifice étatique de la reconnaissance, et pire encore, dévaloriser la mention « Mort pour la France » qui est décernée à nos soldats tombés au champ d’honneur en Afghanistan, au Levant et au Sahel.

C’était jeter l’opprobre sur la pureté de nos intentions, sur la justesse de notre combat, sur la mémoire de nos enfants. Cette insinuation était inadmissible, et nous ne pourrons jamais l’accepter.

Quelle fut donc notre joie, le 21 mai 2021, ce jour là, en effet, vous annonciez que tous les militaires décédés accidentellement en service sur le territoire national devront bénéficier de la reconnaissance de l’Etat. Dont acte.
LA MENTION « MORT POUR LE SERVICE DE LA RÉPUBLIQUE ».

Mais aussitôt surgissait un nouveau problème à nos yeux, car vous proposiez de les intégrer à la liste des catégories visées par le nouveau titre de reconnaissance « Mort pour le service de la République », dont vous justifiez la création pour combler le légitime besoin de reconnaissance des fonctionnaires civils et des citoyens décédés pour s’être particulièrement investis dans leur tâche ou victimes de circonstances exceptionnelles comme le personnel civil sanitaire décédé du COVID 19 qui ont été aussi honoré par l’attribution de la « Légion d’Honneur ».

NON, LES MILITAIRES NE SONT PAS DES FONCTIONNAIRES COMME LES AUTRES,

D’une part, cela soulève une question de fond. Pourquoi les militaires, qui sont des fonctionnaires différents des autres, car ils sont amenés à donner et à recevoir la mort sur ordre (au combat) et à perdre la vie en service (à l’entraînement), relèveraient-ils maintenant de ce nouvel outil de reconnaissance à la cible aussi large, alors que la mention Mort pour le Service de la Nation avait justement été créé pour solutionner leurs cas ?

Ce choix, dont nous devinons qu’il vous a été dicté par l’administration, qui cherche visiblement par tous les moyens à ne pas se dédire, creuse une brèche inédite dans le Statut général des militaires et le Code des pensions militaires, les deux grands textes qui rassemblent leurs règles propres et matérialisent ainsi leur spécificité historique.

Comme pour le débat sur les retraites en 2019, à l’occasion duquel l’hypothèse circula un temps d’aligner le régime des militaires sur celui des autres fonctionnaires, avant d’être officiellement rejetée par vous-même, ce serait créer un dangereux précédent, alors même que tout concourt aujourd’hui à consolider au contraire ce corpus autour duquel s’est cimenté la force morale de nos armées.

D’autre part, le diable se niche dans les détails. La loi du 25 novembre suivant, qui instaure officiellement ce nouveau titre de reconnaissance, écarte définitivement de toute politique de réparation nos « Oubliés de la Nation » décédés depuis 2002 d’une autre cause qu’un « tiers volontaire ».

En effet, elle précise non seulement que la mention Mort pour le service de la République est rétroactive à la date de publication du décret de 2016, mais aussi que la mention Mort pour le Service de la Nation est dorénavant réservé aux militaires tués sur le territoire national par un « tiers volontaire »

CETTE RECONNAISSANCE CREUSE LES INÉGALITÉS DE DROIT ET DE TRAITEMENT ENTRE MILITAIRES

Enfin, elle creuse les inégalités entre les militaires sur les droits à réparation matérielle attachés aux mentions de reconnaissance, en inaugurant un régime de sous-reconnaissance.

À l’exception du droit de faire figurer son nom sur le monument aux morts de sa commune, exclusive des « Morts pour la France », cette mention et celle de « Mort pour le Service de la Nation » ouvrent les mêmes droits : le conjoint veuf bénéficie et jouit d’une pension de réversion au taux complet (100%) et d’autres avantages, tandis que les enfants deviennent « Pupilles de la Nation », et l’Etat subvient à leur besoins essentiels, dont l’éducation. Les « Pupilles de la Nation » bénéficient également d’autres avantages concédés par des structures privées ou associatives comme par exemple la carte de circulation SNCF donnant droit au tarif militaire.

Elaboré au lendemain de la Grande guerre si meurtrière pour adoucir le calvaire des familles brutalement appauvries par le sacrifice du père de famille, cet arsenal matérialise aujourd’hui la dette que la Nation paie à ceux de ses enfants morts pour l’avoir servi jusqu’au sacrifice suprême. Or - et cela apparait bien logique, la nouvelle mention « Mort pour le service de la République » n’octroiera rien de tel, si ce n’est la qualité de « Pupille de la République » aux orphelins, dont on ne perçoit pas bien les similitudes et les différences avec la qualité de « Pupille de la Nation ».

Nous rappelons que les enfants de victimes d’attentats (décédés, blessés, traumatisés) continueront à bénéficier du statut de « Pupille de la Nation ».

En résumé, l’option que vous a recommandé votre administration aura pour effet :
● d’affaiblir le statut spécifique des militaires et de rendre encore plus illisible les conditions de la reconnaissance des militaires ;
● d’accroître les inégalités au sein même de la grande famille des militaires :
○ entre ceux qui ont été reconnus Morts pour le service de la Nation depuis 2012 et ceux qui sont décédés accidentellement depuis 2002 et non reconnus ;
○ entre les personnels navigants réputés « Mort en service aérien commandé » (mention qui déclenche une pension de réversion complète et d’autres avantages pour le personnel navigant qui décède en exercice sur le territoire national) et les autres ;
○ entre les décédés par accidents sur le territoire national et les victimes des mêmes circonstances (hors combat) en Opex, pourtant reconnus « Morts pour la France », etc…
● de laisser sur le bord de la route, plus de 80 familles de militaires dons les décès sont intervenus entre le 1er janvier 2002 et le 21 mars 2016.
● d’ajouter de l’ambiguïté et de l’incompréhension au sein des familles sur les règles d’applications des deux mentions « Mort pour le service de la Nation » et « Mort pour les service de la République » qui utilisent la même confirmation des attributions avec les « circonstances exceptionnelles ».

Cette équivoque a été confirmée par un courrier reçu en date du 9 septembre 2021 de votre Chef de Cabinet, Monsieur Brice Blondel : « la création de ce statut est donc un acte de justice et de fraternité, qui confère la reconnaissance de la Nation (Pourquoi ne pas avoir utilisé le mot « République » ??) à nos concitoyens mobilisé au service d’autrui, parfois au péril de leur vie. Notre pays doit beaucoup, et le Président de la République l’a rappelé, à ceux qui, comme votre fils l’adjudant-chef François Woignier, trouvent la mort en service dans des circonstances exceptionnelles ».

Alors qu’il aurait été beaucoup plus simple, à nos yeux, d’apurer le passif accumulé depuis 2002, de clarifier et de préciser les conditions de reconnaissance en attribuant la mention « Mort pour le service de la Nation » à ceux qui décèdent en service sur le territoire national comme la loi initiale de 2012 le permettait.

Aujourd’hui, même si l’article premier de la loi « Mort pour le service de la Nation » a été modifié… les règles d’applications de cette loi et le décret de 2016 avec la présence des « circonstances exceptionnelles » permettraient cette attribution à nos « Oubliés de la Nation » sans passer par une décision ministérielle ou législative, il suffirait simplement de modifier le logiciel politique de la volonté d’attribution du Ministère des Armées comme le fait, par ailleurs le Ministre de l’Intérieur.

Monsieur le président de la République, comme plusieurs associations représentatives du monde combattant, qui nous soutiennent, comme le chef d’état-major des Armées en 2020, qui nous a reçu et écouté, vous nous avez fait l’honneur et l’amitié de lire et de répondre à nos courriers. Preuve, s’il en était besoin, de l’importance que vous attachez aux questions de Justice et de symbolique.

À l’inverse, l’administration de l’Hôtel de Brienne, sous l’égide de la ministre des Armées Florence Parly, a préféré nous tenir à l’écart de travaux et réflexions qui ont présidé à votre choix du printemps 2021.

C’est pourquoi, à l’orée de votre second quinquennat, nous souhaitons à nouveau porter à votre connaissance nos doléances et vous assurer que nous nous tenons à la disposition du nouveau Ministre des Armées, Monsieur Sébastien Lecornu et de ses équipes pour reprendre le dialogue et relancer, avec d’autres, une concertation sérieuse et honnête sur le sort des Oubliés de la Nation et la question de la reconnaissance des militaires décédés accidentellement en service sur le territoire national.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération

Le président des Oubliés de la Nation
Jean-Pierre Woignier

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