Monsieur le Maire,

 

Nous sommes les mangeurs et mangeuses de La Capelle, de Laval, de Valés, du bourg de Puycelsi, de Sainte Catherine, de La Janade, de Larroque, du Verdier, de Castelnau, et bien d’autres encore, qui fréquentons le petit marché de Geneviève et Caroline à La Capelle, depuis les débuts pour certain(e)s d’entre nous et qui leur restons fidèles.

D’abord parce que leur agriculture maraîchère est d’une excellente qualité, répondant pleinement, comme vous le savez, aux exigences éthiques de l’agriculture biologique.

Mais bien plus, parce que Geneviève et Caroline ont le souci de nous rendre curieux de leurs pratiques, de leurs essais, réussites et échecs, bref de la vie quotidienne de celles et ceux qui travaillent la terre sans prendre celle-ci pour une vache à lait que l’on peut traire jusqu’à épuisement, une terre qu’elles aiment donc.

Métier ardu que le leur, dans lequel elles s’engagent avec passion depuis tant d’années. Vous n’êtes pas sans savoir la très bonne réputation dont elles jouissent, avec raison, tant pour leur production de légumes, que pour la chaleur conviviale avec laquelle elles nous les proposent à la vente.

Nous avons vu tout récemment, ou appris pour qui n’était pas là le jeudi 20 mai, que cette vente qui s’organisait jusqu’alors spontanément dans leur local privé à côté de leur habitation, posait soudain problème. Et cela du fait que Geneviève et Caroline ont eu l’idée, à nos yeux réjouissante, de mettre à profit la toute petite place publique devant chez elles pour y étendre un tout petit marché, enrichi par les apports de producteurs partageant le même esprit qu’elles.

Ce jeudi 20 mai, les gendarmes sont donc venus, appelés par vous-même selon les dires de l’un d’eux, pour… contrôler. Or une lettre que Geneviève et Caroline vous adressaient au mois de mars, réclamait auprès de vous l’autorisation légale de poursuivre ce marché. Une dizaine de jours plus tard, elles recevaient de vous une réponse, plutôt encourageante, où vous sembliez favorable à l’initiative, moyennant une mise en conformité avec les règlements concernant les marchés publics.

Et au lieu de leur proposer un rendez-vous en mairie, ou de venir vous-même sur place boire un verre et échanger avec elles, voilà que vous faites appel aux gendarmes, qui ne peuvent que constater qu’elles n’ont pas encore reçu l’autorisation officielle (mais qu’elles respectaient en revanche toutes les mesures sanitaires de rigueur, et qu’elles ne faisaient pas n’importe quoi).

Quelle étrange démarche de notre point de vue. La venue des gendarmes semblera peut-être pour certain(e)s une formalité courante, un acte ordinaire passé dans les mœurs du moment.

Or pour nous, ce n’est ni ordinaire, ni anodin. Nous sommes convaincu(e)s au contraire que leur venue, en toute surprise, produit quelque chose d’intimidant et même de violent, dont Geneviève et Caroline se seraient bien passées. Quelle était donc leur faute ? D’inventer de nouvelles formes de relation, humaines et pleines de chaleur pour ce qui est, vous le comprenez, plus qu’un commerce ? Une relation directe entre leur passion de maraîchères et les mangeurs et mangeuses que nous sommes – ce terme pour éviter justement celui de consommateurs qui neutralise la rencontre et la rend la plupart du temps insignifiante. Est-ce cela qui mérite la venue des gendarmes ?

Nous pensions et pensons encore qu’au contraire, le geste offert devrait rendre curieux, attentif voire admiratif les élus et autorités locales de la commune de Puycelsi, pour apporter à Geneviève et Caroline tout leur soutien. Lesquelles ne demandent pas mieux de se mettre en règle, moyennant le respect espéré de leur activité et de l’esprit dans lequel elles s’y engagent.

Leur présence sur la commune est une chance, Monsieur le Maire, même pour des habitants des communes voisines qui se rendent régulièrement et avec plaisir à leur petit marché, qu’elles ont le bonheur d’appeler « La cour des filles », pour dire la taille humaine à laquelle elles souhaitent rester.

Nous espérons vivement que très prochainement vous accepterez de les rencontrer pour échanger de vive voix, leur faciliter la tâche, et dialoguer avec les producteurs présents sur le marché qui se sont vu convoquer en gendarmerie ce samedi 29 mai suite à la plainte que vous avez déposée.

Nous vous demandons instamment de retirer cette plainte insensée que vous avez déposée à leur encontre.

Et si vous le souhaitez, nous pouvons tous être de la partie pour vous dire tout le bien que nous pensons du service précieux qu’elles nous rendent, non seulement en nous régalant, mais en montrant par un modeste exemple qu’un autre monde, déjà là, est possible.

En vous remerciant de votre attention,