Dénoncer la casse de l’Education nationale

Dénoncer la casse de l’Education nationale

Lancée le
22 janvier 2020
Adressée à
JM Blanquer et E Macron
Signatures : 232Prochain objectif : 500
Soutenir maintenant

Pourquoi cette pétition est importante

Lettre ouverte des derniers hussards d'une éducation populaire

 

 

Monsieur le Ministre,

 

 

« L'école de la confiance » ? Voilà la formule que vous avez choisie pour museler encore et toujours davantage les enseignants. Confiance en qui ? En vous-même certainement, car vous saviez pouvoir compter sur une conscience professionnelle ancrée dans les âmes de ces personnels dévoués à leurs élèves et à une cause à laquelle ils étaient attachés, pour encaisser, endurer sans broncher des conditions de travail toujours moins acceptables (autant pour eux que pour leurs élèves), des salaires toujours moins valorisants, des consignes toujours plus frustrantes. A l'instar des soignants, dans des hôpitaux à la dérive, qui, pour continuer à prendre en charge une population blessée et malade, doivent redoubler d'imagination, d'inventivité et pousser à l'extrême une fatigue inhumaine.

Que faire de toute façon ? La grève ? On nous accuse de prendre en otages des enfants qui n'y sont pour rien, des parents qui ne peuvent s'organiser, de nous tromper de cible. C'est vrai. Nos dirigeants de toute façon ont les moyens de mettre leurs enfants dans des instituts privés pour la plupart (tout comme ils se font soigner dans des cliniques privées). Alors désorganiser la scolarité des enfants qui ne sont pas les leurs, cela ne les émeut pas beaucoup. Témoigner ? Mais on nous renvoie au devoir de réserve des fonctionnaires ! Remettre en cause son ministre ? Quelle infamie, quelle trahison, on touche au crime de lèse-majesté...

Quand on voit les violences policières que le Gouvernement légitime actuellement (s'il ne les commandite pas) et les sanctions disciplinaires que l'on agite pour nous effrayer, on le voit, il ne nous est offert que le désespoir silencieux. On subit, on se tait, on regarde, les larmes aux yeux, l'école se déliter. #pasdevague surtout !

Ou bien, on obéit, on fait ce que l'on nous demande, et avec le sourire s'il vous plaît. On accepte de « faire évoluer le métier » (ah ! les beaux éléments de langage!), c'est à dire faire plus avec moins, accepter « les nouvelles missions ». Celui qui autrefois enseignait (avec tout ce que ce métier comporte déjà en soi de difficultés, de gestion de l'hétérogénéité des élèves, de pédagogie nécessaire) doit désormais assurer la formation et le conseil en orientation, mener les projets sur l'alimentation saine, l'écologie, la lutte contre le harcèlement ou les discriminations, prendre en charge l'accueil d'élèves porteurs de handicaps lourds (sans que ne soit proposée la moindre formation), le secrétariat et les photocopies, le ménage des salles et des couloirs.

Les postes de Conseillers d'Orientation Psychologues ont été supprimés, remplacés par les PsyEN puis répartis sur 3 à 4 établissements, les agents d'entretien malades ou partant en retraite ne sont pas remplacés, les secrétaires sont débordés,... Quelle importance ? Les profs sont corvéables à merci et seront ravis, pour le bien de leurs élèves, de palier le manque d'effectifs. Les CPE (Conseillers Principaux d'Education) de même ! Ils remplacent les absents, colmatent les manques et dysfonctionnements : tant pis si leurs horaires réglementaires sont dépassés « tant que ça tourne » !

D'ailleurs, c'est ainsi que tous ces personnels justifieront cette augmentation de salaire qu'ils réclament tant. La revalorisation promise ne se fera qu'en échange de cette silencieuse soumission.

Tout est mensonge, tout n'est qu'effet d'annonce. On dédouble les CP ? Il n'y a quasiment jamais les locaux pour cela. On instaure les « devoirs faits » (une heure obligatoire par jour et par élève encadrée par un adulte du collège pour faire les devoirs avant de rentrer chez soi) ? Il n'y a pas d'argent pour payer les adultes volontaires. On invente une épreuve orale du brevet ? Tous les enseignants, quelle que soit leur discipline et sans la moindre formation, se doivent, dans leurs jurys, d'interroger sur Picasso, Shoshtakovich, les règles du curling ou le niveau d'études nécessaire pour devenir chef de partie, deux matinées par an, que cela corresponde à leur emploi du temps ou pas. On prône l'inclusion d'élèves à profil particulier ou porteurs de handicaps reconnus (ce serait faire preuve de bien peu de bienveillance de leur refuser l'accès de nos classes) ?  Mais les AVS (Aides à la Vie Scolaire) censés les accompagner ne sont pas recrutés ou partagent leurs 21 heures hebdomadaires entre 3 élèves différents ! Pas grave, pensez-vous ! Les profs feront des photocopies, prévoiront des supports adaptés, tiendront compte de ceci, ne jugeront pas cela, et ce, bien entendu, tout en mettant en place une différenciation personnalisée pour chacune des autres individualités de la classe.

De toute façon, même si ces AVS étaient nommés, il n'y a même pas assez de chaises dans les salles de classes pour les accueillir !Car avec des effectifs d'élèves toujours en hausse, 28 en 6è par exemple quand tout va bien, et 12 places pour faire des expériences scientifiques en salle de Science et Vie de la Terre ou en Chimie, on les met où les AVS ?

Et encore ! La question se pose quand ces disciplines peuvent offrir à leurs élèves le luxe de pouvoir manipuler en demi-groupes. Ce qui est rendu impossible par la baisse systématique depuis 15 ans de la Dotation Horaire Globale des établissements (enveloppe d'heures généreusement attribuée chaque année à chaque établissement pour la rentrée suivante) : les matières en viennent à se faire la guerre entre elles (ou les chefs d'établissement à arbitrer) pour savoir qui aura le droit à des dédoublements hebdomadaires. Utiliser le microscope, progresser en informatique, pratiquer une langue à l'oral ou tout simplement oser prendre la parole pour poser des questions et s'exercer, à 28, c'est impossible.

Les moyens humains et matériels font cruellement défaut mais les réformes se succèdent, annulant les précédentes (sans même nous laisser le temps d'en évaluer l'efficacité) : les programmes, les cycles, les socles, les troncs, le contrôle continu, les épreuves anticipées. Tous doit être revu, réorganisé sans cesse, et sans bon sens.

Voilà à quoi ressemble le métier de « ces privilégiés en vacances toute l'année ». Alors quand on nous assène le coup de grâce de la retraite à points, à nous, enseignants, dont le salaire est déjà indexé sur un point gelé depuis 10 ans, on ne peut plus endurer. On manifeste, on perd des jours de salaire, on parodie le Lac des cygnes, on vous écrit, rompant ce devoir de réserve, pour alerter la population sur la mort d'un service public de l'éducation, dont les piliers que nous étions s'effondrent, on montre du doigt l'extinction des vocations, la baisse des candidatures aux concours de l'enseignement, les démissions, les suicides !

Mais le mensonge continuera sans doute : vous prétendrez que le mouvement de contestation s'essouffle et que la prochaine rentrée s'est encore mieux passée que la précédente.

Ce n'est pas la contestation des enseignants qui s'essouffle, Monsieur le Ministre, c'est le cœur de l'Education nationale qui cesse de battre peu à peu.

Soutenir maintenant
Signatures : 232Prochain objectif : 500
Soutenir maintenant
Partagez cette pétition en personne ou ajoutez le code QR aux supports que vous imprimez.Télécharger le code QR

Décisionnaires

  • JM Blanquer et E Macron