Monsieur le recteur, rendez la Sorbonne à l'université!

Monsieur le recteur, rendez la Sorbonne à l'université!

Lancée le
20 décembre 2019
Adressée à
Gilles Pécout et 1 autre
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Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par Sandra LAUGIER

Nous étudiants, personnels administratifs, chercheurs, enseignants, maîtres de conférences et professeurs, protestons contre les fermetures abusives et incongrues de la Sorbonne qui se répètent ces dernières années, nous empêchant de travailler. Ces blocages (comment les nommer autrement ?) vident la Sorbonne de son sens et de son existence et, selon les « éléments de langage » de notre gouvernement, nous « prennent en otages ».

La Sorbonne est, depuis sa création au XIIIe siècle, la maison des étudiants et des professeurs, et non celle du roi ou du gouvernement, même s’il plaît au roi, de temps à autre, d’y organiser une opération de com, un « grand discours » qui nous fait suffoquer de policiers, de barrières et de contrôles, et qui bloque tout le Quartier latin. La Sorbonne est le lieu du partage du savoir, par sa bibliothèque, inaccessible en cas de blocage rectoral, par ses salles de cours, de séminaire, et ses amphithéâtres.  

La Sorbonne, comme Paris, a un statut particulier. Longtemps, Paris n’a pas eu de maire, en raison de la réaction thermidorienne de 1795, rejouée en 1871. Aujourd’hui encore, le préfet de police de Paris n’est pas soumis à l’autorité du directeur général de la police nationale. De la même manière, la Sorbonne n’est pas vraiment chez elle, puisqu’elle abrite, fait unique au monde, les bureaux du rectorat, c’est-à-dire du représentant du gouvernement dans le monde éducatif. C’est, de fait, le recteur qui dirige ses bâtiments, dont il occupe une trop grande partie, alors qu’il n’enseigne pas et que nous manquons d’espace. Le grand amphithéâtre accueille de curieux locataires, qui payent pour y organiser leurs réunions de prestige, leurs défilés de mode et leurs opérations mercantiles, au lieu d’être dévolu à l’enseignement. Les laboratoires de la Sorbonne doivent louer aux services du recteur des salles de colloque ! Les collègues étrangers n’y comprennent rien. Nous non plus.

On parle de compétition internationale entre universités, de place de la France à tenir dans le monde de la recherche. En même temps, on paralyse une communauté académique de première importance avec toute la jeunesse qu'elle forme, qui ne demande qu'à venir en cours et en bibliothèque, souvent au prix de déplacements épuisants. Quand le recteur décide, dès l'émergence d’un mouvement social, de bloquer tout le bâtiment, la Sorbonne, habituellement pleine de tout son monde universitaire, est vide, dans un « état de mort cérébrale » construit et voulu. Quelles autres institutions parisiennes ont à subir ces abus, cet anti-intellectualisme ?

Depuis le cinquantenaire du mouvement de 1968, il faut bunkériser la Sorbonne et empêcher coûte que coûte qu’elle ne devienne ce qu’elle a été en 1968, le foyer de la « chienlit », c’est-à-dire le lieu d’une expression de liberté créative rarement vécue dans l’histoire mondiale des contestations universitaires. A plus long terme, on saisit la stratégie du pouvoir : vider le Quartier latin de tous les étudiants, les placer ailleurs, réserver la Sorbonne pour les cocktails du rectorat, en faire un musée payant de l’université avec son merchandising associé, la transformer en hôtel de luxe pour les invités du pouvoir exécutif, ou en coulisse prestigieuse pour tel ou tel discours gouvernemental aussi creux que solennel et ainsi paré des atours intellectuels de « la Sorbonne »

Avec, tout autour, un Quartier latin « Airbnbisé » et vidé de tout étudiant, enseignant, chercheur !                                                                                             

La Sorbonne est une institution républicaine qui, en 1896, prit la suite de la Sorbonne médiévale et moderne. Elle fut voulue et pensée par la IIIe République pour défendre l’éducation nationale, libre, gratuite, laïque et obligatoire pour tous les enfants de France. Les cours y étaient publics et chacun pouvait y assister en toute liberté, sans « montrer sa carte » à l’entrée.  Il est temps de lui redonner cette fonction de lieu de partage des savoirs et d’enseignement d’une pensée critique. Il est temps de rendre la Sorbonne à ses occupants légitimes – étudiants, enseignants, chercheurs, personnels académiques.     

C’est au recteur qui, par les aléas de l’histoire, partage avec nous ce lieu, de défendre avec nous la place de l'université dans la Sorbonne. Il est un universitaire et non un rouage servile. Dans le cas qui nous occupe, il est un homme nourri de culture humaniste et critique, spécialiste de l’histoire des libertés politiques et de tout ce que bafoue le « management » de ce pouvoir exécutif.

Monsieur le recteur, le représentant du​ gouvernement n'a rien à faire à la Sorbonne. Nous vous demandons de faire relocaliser le rectorat ailleurs et de laisser la Sorbonne aux étudiants et universitaires.

Premiers signataires :

Johann Chapoutot, professeur, Sorbonne-Université, Sandra Laugier, professeure, Panthéon-Sorbonne, Pierre Serna, professeur, Panthéon-Sorbonne...

 

 

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Décisionnaires

  • Gilles Pécout
  • recteur de l'académie de Paris, chancelier des universités de Paris