Le Logiciel Libre, un bien commun à part entière

Le Logiciel Libre, un bien commun à part entière

Lancée le
16 mai 2020
Adressée à
Signatures : 64Prochain objectif : 100
Soutenir maintenant

Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par Bertrand DELAUNAY

Le Logiciel Libre, un bien commun à part entière

En ces temps de (dé)confinement, le numérique prend une dimension sans précédent. Et ce n’est que le début. Plus que jamais nos devons compter sur lui pour nous assister au quotidien, que ce soit pour rester en contact avec nos proches et avec le monde qui nous entoure, ou bien continuer de travailler.

Notre démocratie a besoin d’outils transparents, propres à garantir la liberté et la souveraineté de ses citoyens et de ses institutions. Et ce, dans tous les aspects de la vie concrète.

En ces temps de (dé)confinement, nous ne pouvons que constater à quel point nous sommes dépendants des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft). Ces géants du numérique sont les propriétaires d’outils informatiques que nous avons très souvent l’habitude d’utiliser au quotidien, ils paraissent souvent indispensables. Même si nous n’avons pas nous-mêmes la possibilité de savoir comment ils sont faits, ou de comprendre comment ils fonctionnent réellement. Ces outils, même si nous les achetons de notre plein gré avec notre propre argent, ou à notre insu avec l’argent que nos données personnelles rapportent par la suite, ils ne nous appartiennent pas. Au fait, ce ne sont pas les outils eux-mêmes que nous achetons dans ce cas-là, mais seulement le droit temporaire ou perpétuel de les utiliser. Les outils dont il est ici question sont donc des logiciels propriétaires, on parlera alors du Logiciel Propriétaire pour désigner l’ensemble d’entre eux. Le Logiciel Propriétaire est ce qu’on appelle un logiciel privateur, dans le sens où il nous prive de libertés fondamentales, comme le fait une dictature.

Songez aux millions de gens qui roulaient tous selon leurs pays, soit en Trabant, soit en Lada. C’étaient de mauvaises voitures qui ne tenaient pas la route tout en étant gourmandes en carburant. Mais sous joug soviétique, ils n’avaient pas le choix. Le Windows de Microsoft est la Trabant que l’on nous impose presque partout sur le PC que l’on achète (le Mac OS d’Apple pour les Mac). À la différence des habitants de l’Union soviétique autrefois avec leurs voitures, nous avons aujourd’hui largement le choix avec nos ordinateurs, même si Microsoft et Apple s’efforcent de nous persuader du contraire. Nous pouvons dès à présent abandonner nos Trabant ou nos Lada pour des Porsche ou des Ferrari. Et tenez-vous bien… sans dépenser un sous de plus.

Les systèmes GNU (GNU is Not Unix)/Linux sont ces Porsche et ces Ferrari, installables sur autant de postes qu’il nous chante(1). Mais pourquoi profiter de ce choix ? Quel en est l’intérêt ? Parce que, bien au-delà de nous faire faire des économies matérielles, des systèmes comme GNU/Linux sont conçus de façon tout à fait transparente(2). Nous pouvons donc tous en connaître les forces et les faiblesses. En clair, nous pouvons savoir où nous mettons les pieds. Nous avons au moins l’assurance, non négligeable, de ne pas avoir de portes dérobées dans notre ordinateur comme sous Windows ou sous Mac OS. Achèterions-nous une maison, dont nous serions loin d’être les seuls à avoir les clés ? Une maison dans laquelle tout le monde aurait la possibilité de rentrer par n’importe où ?

Ces clés permettent en effet aux concepteurs d’un système d’exploitation propriétaire comme Windows ou Mac OS d’avoir accès à vos données personnelles. Leur exploitation s’ajoute à la vente de licences d’utilisation dans le chiffre d’affaires, astronomique, des mastodontes en question. Et ces clés, des entreprises comme Microsoft et Apple peuvent en faire autant de copies qu’il leur plaît et les revendre, elles, ainsi que les données personnelles qui vont avec, à autant de tiers qu’ils le souhaitent. Les utilisateurs d’un système d’exploitation propriétaire comme Windows ou Mac OS confient donc de facto leurs données personnelles à Microsoft, à Apple, et potentiellement à beaucoup d’autres. Quant à la sécurité et au respect de ses données, l’utilisateur n’a pas d’autre choix que de faire une confiance aveugle aux entreprises qui les détiennent.

Mais ces portes dérobées que représentent ces clés, ne permettent pas seulement aux géants du numérique de puiser nos données. Elles leur donnent également la possibilité de contrôler à distance nos ordinateurs et autres objets connectés, y compris d’en gérer le contenu à notre insu. Amazon a ainsi décidé en 2009 de supprimer par milliers des copies de 1984, le livre de Georges Orwell, dans les tablettes de sa marque, où il était stocké sous sa forme numérique(3). Devant la critique, Amazon a promis de ne plus recommencer, une promesse qui n’a naturellement pas été tenue depuis. De la même façon que les tablettes d’Amazon n’appartiennent qu’à Amazon, Les ordinateurs sous Windows n’appartiennent qu’à Microsoft, pas à leurs utilisateurs. Nous n’avons donc, dans ce cas-là, pas notre mot à dire sur ce qui se passe dans nos appareils connectés. En conséquence, nous ne pouvons pas réellement installer les logiciels que l’on souhaite, ni lire, écouter ou regarder ce que l’on veut. Ce que nous pouvons faire, nous ne pouvons le faire que parce que les véritables propriétaires des outils que nous utilisons l’autorisent. Une autorisation révocable à tout moment.

Ce qui est valable pour les systèmes d’exploitation l’est également pour les autres logiciels propriétaires tels que les navigateurs web comme Google Chrome, les suites bureautiques comme Microsoft Office, des clients messagerie comme Microsoft Outlook et de visioconférence comme Microsoft Skype. Les exemples pourraient s’étendre à tous les logiciels propriétaires en passant par ceux qui sont censés assurer notre défense, gèrent nos mots de passe et chiffrent nos données.

Je vous disais que nous sommes dépendants de ces géants du numérique que sont les GAFAM. Nous en sommes dépendants, car nous les avons laissés s’introduire dans notre quotidien pour les nourrir avec nos données personnelles et notre argent. Car l’argent du contribuable sert aussi à financer l’achat et le développement d’outils propriétaires, comme Windows, conçus de surcroît en dehors de l’Union Européenne par de tentaculaires multinationales comme Microsoft et Google. Et ce, pour équiper et gérer nos principales institutions : Éducation, Santé, Finances, Défense, etc. avec tous les risques que cela comporte. D’autant que la fermeture caractéristique du Logiciel Propriétaire interdit toute correction indépendante, ainsi qu’une gestion fiable des risques qu’impliquent les inévitables failles de sécurité, alors facilement dissimulables comme tout autre vice de conception. C’est pour cette raison d’ailleurs que les astronautes de la NASA n’utilisent pas un système comme Windows, ils ne peuvent pas se permettre d’attendre la réponse de Microsoft à leur rapport d’erreur en cas de problème, ils doivent tout pouvoir réparer eux-mêmes et vite.

L’omniprésence quasi absolue des GAFAM et de leurs produits est d’autant plus regrettable que des alternatives accessibles et respectueuses de notre vie privée existent sur notre sol-même, sinon au sein de l’Union Européenne. Les adopter, ce n’est pas seulement reprendre notre vie numérique en main, c’est aussi rendre justice au travail désintéressé des développeurs du Logiciel Libre, souvent repris par les GAFAM, quand des licences ultra-permissives comme celle d’Apache(4) le leur permettent, pour développer leurs propres applications et gérer leurs immenses serveurs. Android, le système d’exploitation le plus répandu au monde, fonctionnant avec une base, un noyau, Linux, en est l’exemple le plus important. Mais utiliser ces alternatives que sont les systèmes GNU/Linux, et les autres logiciels libres, n’est qu’un premier pas pour défendre nos vies privées, nos libertés et notre démocratie. Il faut les soutenir franchement. Le fait que les développeurs du Logiciel Libre ne nous obligent pas à payer pour pouvoir utiliser leurs créations est loin d’être une incitation à profiter d’eux, bien au contraire.

Pourtant rien qu’en France, ne serait-ce que dans le domaine du Logiciel Libre, une multitude de projets comme VLC ou LibreOffice naissent, grandissent… et meurent, faute de soutien suffisant. Ils n’en répondent pas moins aux mêmes besoins que leurs équivalents propriétaires, et ce, en toute transparence, conformément à ce que l’Opinion publique aspire. Et plus important encore, ils libèrent notre société des intérêts commerciaux des géants du numérique. Il ne s’agit pas ici de demander plus d’investissement dans l’équipement matériel et logiciel national. Il s’agit de demander à ce que l’argent du contribuable serve à rétribuer les acteurs du Logiciel Libre pour qu’ils continuent leur œuvre dans l’intérêt du corps citoyen et, par extension, dans celui de notre démocratie.

Les solutions existent, le site https://framalibre.org en présente une liste, non-exhaustive, il faut les utiliser. Le service rendu par le Logiciel Libre est désintéressé tout en étant nécessaire, cela en fait donc un bien commun pour notre société. Il est donc juste qu’il soit rétribué ou subventionné comme tel. Afin que le contribuable, le particulier comme le professionnel, puisse honorer l’ensemble des obligations auxquelles la Loi le soumet, en utilisant des outils libres conçus pour l’intérêt public et des professionnels. Par exemple des applications pour tenir la comptabilité d’une entreprise, indépendamment de sa taille ; ou bien créer tous les types de documents officiels et les remplir, en vue de toutes les démarches.

Pour en savoir plus, je vous conseille de visiter les sites officiels du projet GNU https://gnu.org, de la Free Software Foundation (Fondation du Logiciel Libre) https://fsf.org, sans oublier celui de l’APRIL (Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre) https://april.org. Outre le site officiel des distributions GNU/Linux les plus populaires : MX Linux, Manjaro, Linux Mint, Ubuntu et Debian, je vous conseille également de consulter la liste des systèmes d’exploitation développés en France et ailleurs sur le site de Distrowatch. Concrètement, je vous recommande aussi un passage sur le site CHATONS (Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires) https://chatons.org. La lecture du livre de Kiki Novak, Débuter avec Linux : Maîtrisez votre système aux petits oignons, édité chez Eyrolles, est particulièrement indiquée pour la découverte des systèmes GNU/Linux. Le guide d’autodéfense numérique, édité chez Tahin Party et également lisible en ligne, est un précieux atout pour évoluer dans le monde numérique.

En obtenant ainsi le soutien du Logiciel Libre par l’État et l’argent public, nous encourageons le Logiciel Propriétaire à revoir son modèle. Celui-ci devra alors nous donner des garanties solides quant au respect de nos données personnelles, voire nous payer directement pour pouvoir les utiliser comme l’explique le futurologue Jaron Lanier. Le Logiciel Propriétaire devra alors se remettre en cause ou disparaître, face à la loyale concurrence du Logiciel Libre. Et au final, tout le monde y gagnera, à commencer par les utilisateurs.

Défendre le Logiciel Libre c’est défendre nos libertés et notre démocratie. C’est aussi comprendre que la commodité et la facilité dans le numérique ouvrent la voie à une société totalitaire. Quand on pense qu’autrefois on mourrait pour la liberté d’aujourd’hui, utiliser des outils un peu moins connus, mais tout aussi performants, mais demandant un petit peu plus d’efforts, serait un sacrifice acceptable pour la liberté de demain.

Bertrand Delaunay

Le samedi 16 mai 2020

1) Les systèmes d’exploitation complets GNU/Linux sont des projets dérivés du projet GNU initial de Richard Stallman pour un système d’exploitation totalement libre. Ils sont directement accessibles, disponibles sous de nombreuses variantes – également appelées distributions – pour tout type d’utilisateur.
2) Sous une licence libre, publique et ouverte comme la GPL (GNU Public License), qui donne le droit d’accéder au code source, d’étudier le programme, d’en partager des copies originales, de le modifier et d’en partager des copies modifiées. Contrairement aux programmes propriétaires qui sont publiés sous une licence privée et fermée.
3) STALLMAN, Richard, Conférence Le logiciel libre, la conception libre du matériel, Le Diapason, Campus de Beaulieu, Université de Rennes 1, France, Le 8 février 2017.
4) Il s’agit au fait surtout de la première version de la licence spécifique au logiciel Apache, créée par la fondation du même nom, qui permet aux géants du numérique de s’approprier les logiciels concernés. Curieusement, cela rappelle aussi le sort de l’un des peuples amérindiens spoliés par les colons européens…

 

 

Soutenir maintenant
Signatures : 64Prochain objectif : 100
Soutenir maintenant
Partagez cette pétition en personne ou ajoutez le code QR aux supports que vous imprimez.Télécharger le code QR

Décisionnaires