Le rectorat de Paris a annoncé le 13 novembre dernier son intention de fermer l’hypokhâgne du Lycée Lamartine, ainsi qu’une des deux khâgnes du Lycée Chaptal à Paris à la rentrée 2024. Nous nous opposons à cette décision qui vient briser la dynamique dont jouissent depuis des années les CPGE littéraires, tout particulièrement dans des lycées comme les nôtres, où un recrutement moins sélectif aboutit à des promotions aux profils géographiques et socio-culturels variés. 

Contrairement aux arguments avancés pour justifier ces fermetures, nos classes n’ont aucun mal à recruter des élèves. L’augmentation très forte des candidatures sur la plateforme Parcoursup entre 2017 et 2023 au Lycée Chaptal en témoigne, tout comme nos effectifs (49 et 46 élèves cette année en hypokhâgne dans les établissements concernés cette année). Cette attractivité reflète, plus généralement, celle de la filière littéraire en classe préparatoire (+1,2 % d’inscrits en 2022 sur l’ensemble de la France).

Ces classes ne sont pas, contrairement à une opinion répandue, des bastions d’élitisme ; il s’agit bien plutôt d’un système entièrement gratuit qui, grâce à l’interdisciplinarité, au nombre élevé d’heures d’enseignement, aux séances d’oral, offre un accompagnement solide et un encadrement permettant particulièrement à des bacheliers moins bien armés culturellement, moins autonomes dans leur travail, de réussir leur entrée dans le Supérieur. Cela fait des années que les classes préparatoires, notamment littéraires, s’efforcent de diversifier leur recrutement, en augmentant chaque année leur taux d’élèves boursier·es. En hypokhâgne au Lycée Chaptal, celui-ci s’élève par exemple cette année à 16%, un taux supérieur à celui de 9% souhaité par le rectorat de Paris. Cette ouverture sociale est favorisée, dans nos deux établissements, par leur proximité géographique avec la Gare du Nord, la Gare de l’Est et la Gare Saint-Lazare, qui les rend très accessibles aux élèves habitant en proche comme en lointaine banlieue. Si le Lycée Chaptal a accueilli ces deux dernières années entre 47 et 53% d’élèves des départements de petite et grande couronne, notamment de Seine-Saint-Denis, du Val-d’Oise et des Yvelines, c’est d’abord en raison de son accessibilité.

En ciblant le Lycée Lamartine et le Lycée Chaptal, le rectorat s’attaque en outre à deux établissements aux spécificités fortes, qui leur confèrent un statut unique parmi les classes préparatoires parisiennes, expliquant leur réputation et leur rayonnement. 

L’hypokhâgne du Lycée Lamartine s’est forgé une identité forte au fil des années, autour d’un projet pédagogique articulant exigence et bienveillance. L’établissement est un pôle artistique majeur, dès les classes de collège, avec des sections musicales et une option théâtre. Il bénéficie d’un partenariat historique avec le Théâtre de la Commune, et, chaque année, les enseignements sont mis en résonance avec un compagnonnage approfondi : institutions, actrices et acteurs du monde culturel parrainent l’hypokhâgne, offrant aux élèves la possibilité d’entrer de manière rigoureuse et enjouée dans les réalités matérielles du monde des idées, de participer à la littérature en train de se faire. Jacques Roubaud, Denis Podalydès, Maylis de Kerangal, la Comédie Française autour d’Eric Ruf, Jean Rolin, les éditions POL autour de Frédéric Boyer, Marie-Hélène Lafon, l’IMEC ont, entre autres, accompagné au long cours nos élèves ces dernières années.

Les deux khâgnes du Lycée Chaptal, quant à elles, ont à cœur de faire réussir leurs élèves tout en étant soucieuses de leur bien-être, à l’écoute de leurs difficultés et très impliquées dans l’accompagnement de leurs projets d’études après la classe préparatoire. Année après année, les excellents résultats de nos élèves, mais également l’enthousiasme qu’ils et elles manifestent à l’égard de l’atmosphère qui règne dans l’établissement, nous confortent dans l’idée que des classes préparatoires telles que celles du Lycée Lamartine ou du Lycée Chaptal sont des modèles qui fonctionnent à l'évidence, très loin de l’image stéréotypée dont souffrent trop souvent les CPGE.

Au-delà du cas particulier de nos établissements, nous sommes inquiet·es du signal que ces fermetures enverraient à l’ensemble des classes préparatoires parisiennes. Après la fermeture de l’hypokhâgne du Lycée Victor Hugo en 2022, ce sont de nouveau deux classes littéraires qui sont menacées. Nous ne nous résignons pas à voir ainsi fragilisées les études littéraires dans l’enseignement supérieur, à une période où, plus que jamais, les profils de nos élèves sont convoité·es dans des filières professionnelles de plus en plus variées. Pour toutes ces raisons, nous demandons donc au rectorat de revenir sur sa décision de fermeture. 

Les équipes de CPGE littéraires du Lycée Lamartine et du Lycée Chaptal